L’observation de la base du crâne humain, depuis 60 millions d’années à nos jours, révèle des changements fascinants. Selon les travaux de la paléoanthropologue française Anne D’Ambricourt Malassé*, l’angle sphéno-basilaire s’est progressivement contracté, une transformation cruciale à l’origine de notre bipédie permanente. Cette particularité anatomique, plus poussée chez l’homo sapiens, marque un tournant dans notre évolution, rapprochant le trou occipital du bord antérieur du maxillaire supérieur.
Ce phénomène ne s’est pas produit de manière linéaire, comme le suggérerait la théorie darwinienne classique, mais plutôt en cinq paliers distincts, chacun marquant un changement brutal suivi d’une période de stagnation, et toujours dans le même sens, vers la flexion. Chaque modification se produit à la suite de période plus courte que la précédente, soulignant une évolution non linéaire de notre anatomie crânienne.
Marie Josèphe Deshayes**, médecin stomatologiste, a observé que ces modifications de la base du crâne sont intimement liées aux problèmes croissants de désordres orthodontiques. Alors que l’angle sphéno-basilaire se referme, le maxillaire inférieur recule, entraînant avec lui la face, et l’augmentation du volume frontal. Cette dynamique affecte la disposition de nos dents, notamment la disparition progressive des dents de sagesse, peut-être un signe de notre évolution précurseur d’un sixième palier.
Pour nous, ostéopathes, ces découvertes sont d’une importance capitale. Elles permettent d’aborder les fondements de la pratique crânienne ostéopathique sous un angle nouveau dans une nouvelle perspective de l’évolution de la vie humaine. Ces travaux mettent en évidence que, sur une période de 60 millions d’années, la base du crâne a connu une flexion d’environ 80° ! Cette constatation suggère que l’augmentation du volume cérébral a poussé la SSB à suivre cet enroulement.
Ce schéma évolutif se retrouve de façon exactement conforme dans le développement crânien du fœtus vers l’âge adulte, suggérant une corrélation entre l’évolution à long terme et le développement individuel. Cela implique que, bien que la SSB se solidifie avec l’âge, stoppant le processus de flexion, elle continue à subir des sollicitations permanentes vers la flexion, un héritage de millions d’années d’évolution et une trajectoire évolutive.
La pression exercée par la masse cérébrale sur le sphénoïde est à la fois subtile et significative. Elle a provoqué des changements manifestes à cinq reprises, marquant la transition de nos ancêtres quadrupèdes vers l’Homo sapiens debout. Cette pression rythmique, bien que minime, a soit poussé le sphénoïde vers la flexion à cinq reprises, soit repoussé progressivement l’âge de l’ossification de la SSB.
Cependant, des anomalies peuvent survenir. Si le sphénoïde devient trop dense, il résiste à cette tendance naturelle à la flexion, offrant une résistance à la masse cérébrale. L’ostéopathie, avec son approche intra-osseuse et fasciale, peut restaurer cette micro-élasticité essentielle du sphénoïde et de la symphyse, soulageant ainsi une multitude de symptômes.
Aujourd’hui, Homo sapiens se trouve peut-être à un point critique de son évolution, caractérisé par des changements brusques plutôt que progressifs. Cette réalité pose la question de l’impact de ces changements évolutifs sur les désordres que nous observons chez nos patients. L’ostéopathie, en tenant compte de ces facteurs évolutifs, se présente comme une approche particulièrement adaptée.
En conclusion, l’évolution de la base du crâne humain, avec sa série de contractions et son impact sur notre santé, ouvre de nouvelles perspectives de compréhensions pour l’ostéopathie. Cette approche holistique, en reconnaissant l’importance de ces transformations évolutives, se positionne comme un élément clé pour comprendre et traiter les troubles actuels. La question de la relation entre ces changements anatomiques et les désordres cliniques est complexe et mérite à elle seule un article, mais l’ostéopathie semble être la voie la plus prometteuse pour explorer et répondre à ces défis.
*Anne D’Ambricourt Malassé. est une paléoanthropologue française, Entrée en 1990 au CNRS, elle est attachée au département Homme et Environnement du Muséum national d’histoire naturelle
**Marie Josèphe Deshayes : Docteur en médecine, certifiée en Stomatologie et en Orthopédie maxillo-faciale et chirurgicale.
Bruno Mitaine, Ostéopathe DO