La tendinite, ou plutôt… la tendinopathie inflammatoire
Je la croise plusieurs fois par jour dans mon cabinet. Ou plutôt, j’entends son nom à chaque consultation :
- « J’ai mal au coude depuis un mois, c’est une tendinite. »
- « Douleur sur le côté de la hanche ? Tendinite du moyen fessier. »
- « Impossible de lever le bras, sûrement une tendinite. »
- « Douleur sous le pied, même la nuit ? Fasciite plantaire ! »
À chaque fois, le même soupir résigné. Comme si c’était une fatalité. Comme si une douleur bien localisée était forcément une tendinite. Mais… est-ce vraiment le cas ?
Tendinite ou pas
Dans le jargon médical, tout ce qui finit en -ite signifie inflammation : bronchite, otite, sinusite… et donc tendinite. Une inflammation se manifeste par rougeur, chaleur et gonflement. Prenons une piqûre d’abeille : la zone gonfle, devient rouge et chaude. Voilà une vraie inflammation.
Mais dans mon cabinet, les tendons douloureux ne sont ni rouges, ni chauds, ni gonflés. Pourtant, la douleur est bien là, précise, sous-cutanée, exactement là où le tendon s’attache à l’os. Alors ?
Si l’inflammation n’est pas visible, peut-on toujours parler de tendinite ?
Quand le diagnostic enferme…
Nous avons pris l’habitude de nommer toute douleur précise au niveau d’une articulation « tendinite ». Et quand un diagnostic s’ancre dans le langage courant, il influence aussi les soignants. Le problème ?
On traite mécaniquement cette fameuse tendinite :
- Infiltrations,
- Anti-inflammatoires,
- Ondes de choc,
- Massages profonds.
Sauf que… si ce n’est pas une tendinite, tout cela ne sert à rien. On s’épuise à soigner une douleur qui ne passe pas, parce qu’on s’attaque à la mauvaise cible.
Le grand piège du ressenti corporel
La douleur est un message. Elle voyage via les nerfs jusqu’au cerveau, qui nous indique une zone en souffrance. Mais attention !
- Si vous vous cognez le nerf cubital (celui derrière le coude), vous sentez une décharge dans la main.
- Et pourtant, votre main ne s’est pas cognée.
- C’est votre cerveau qui a projeté cette douleur sur la main.
Et si nos soi-disant tendinites fonctionnaient sur le même principe ?
Le véritable coupable : la névralgie
Dans bien des cas, la douleur au coude ne vient pas du coude.
Un plexus nerveux comprimé, quelque part sur le trajet du nerf, peut envoyer un faux signal au cerveau, qui l’interprète comme une douleur au coude. Mais en réalité, le problème est ailleurs :
- Une tension sous la clavicule, qui perturbe le plexus brachial,
- Une restriction au niveau du diaphragme,
- Une contracture des muscles du cou ou de l’épaule.
Et voilà comment une compression décalée dans le corps donne naissance à une douleur hyperlocalisée… et à un faux diagnostic de tendinite.
Tendinite ou pas ? Toujours repartir du début.
Si la douleur dure et résiste aux traitements classiques, c’est que nous faisons fausse route. Avant de traiter une tendinite, demandons-nous d’abord si elle existe vraiment.
- Douleur sans rougeur, sans gonflement ?
- Aucune cause évidente (pas de geste répété, pas de traumatisme) ?
- Le traitement local ne fonctionne pas ?
Alors, il est temps d’élargir notre regard et d’explorer les véritables sources du problème.
La clé : poser les bonnes questions
Nous avons cette incroyable capacité à projeter nos ressentis sur une zone précise du corps. Une illusion qui, dans 90 % des cas, nous piège.
Si nous nous contentons de soigner l’endroit qui fait mal sans chercher la cause profonde, alors oui, ça risque d’être très, très long…
Alors, tendinite ou pas ? La prochaine fois que vous entendrez ce mot, posez-vous la question. Le véritable problème est peut-être ailleurs…
Bruno Mitaine, ostéopathe DO