La mémoire est un phénomène fascinant et complexe, souvent perçu comme une fonction exclusivement cérébrale. Je vous propose de mettre en lumière une dimension plus vaste et profonde de la mémoire, révélant son interaction intime avec nos tissus. Dans cet article, nous allons explorer cette interconnexion, démystifiant le concept souvent mal compris de « mémoire tissulaire » et éclairant son importance pour les praticiens de l’ostéopathie.
La mémoire est une activité biologique et psychique permettant d’emmagasiner, de conserver et de restituer des informations. Elle n’est pas un monolithe, il existe plusieurs types de mémoires qui s’associent et interagissent entre elles. Ces mémoires sont variables dans le temps et nécessitent des conditions spécifiques pour se stocker efficacement.
Lorsque ces conditions sont dépassées, par un traumatisme la plupart du temps, la mémoire de cet évènement n’est plus clairement accessible. Elle devient saturée. Une sorte de déni se met en place. Il va vite se manifester par la déviation de décharge des influx nerveux permanent appelant à traiter le problème vers des tissus contractiles, un phénomène souvent ignoré dans l’étude de la mémoire.
L’association entre mémoire et tissus devient particulièrement intéressante lorsque l’on examine des phénomènes comme la mémoire en attente. Prenons l’exemple d’une facture reçue le matin. Elle crée un système neurologique générant un influx nerveux constant, appelant à traiter l’évènement « facture ». Tant que le problème n’est pas résolu, cet influx est dissipé par une structure musculaire, de manière quasi inconsciente. Lorsque la facture est payée, le système se dissout.
En revanche, dans le cas de la mémoire saturée, comme lors d’un événement traumatisant, le système neurologique créé, génère une quantité massive d’influx nécessitant une contraction musculaire puissante et permanente pour dissiper ces influx. Cette déviation affecte des muscles tels que le tube digestif, le diaphragme, le plancher pelvien, les maceters et bien d’autres. Les organes ont donc une double fonction, leur fonction de base et une fonction dissipative. On pourrait même ajouter que chaque « type » de traumatisme a son organe cible et ce pour des raisons comportementales ancestrales. Mais c’est un autre sujet repris par bien des auteurs.
Nous comprenons donc que le terme « mémoire tissulaire » est un raccourci souvent mal interprété. Ce n’est pas le tissu lui-même qui mémorise, mais plutôt l’association d’une mémoire neurologique avec un tissu contractile. Cette association permet de dissiper l’influx nerveux et de créer un rappel via la sollicitation des récepteurs musculaires. Dans des cas comme la mémoire saturée par un événement traumatisant, cette contraction devient perceptible et peut se manifester sous forme de divers symptômes tels que lumbago, cervicalgie, dorsalgie, névralgies, troubles digestifs, migraines, et plus encore. L’ostéopathe a alors la possibilité d’associer le symptôme, avec ses techniques manuelles, et l’histoire mémorisée de l’évènement, enclenchant une libération profonde et durable.
En conclusion, bien que l’expression « mémoire tissulaire » soit couramment utilisée parmi les ostéopathes, elle peut prêter à confusion, laissant croire à tort que nos tissus possèdent une forme d’intelligence autonome. Cette idée, bien qu’attrayante, est fausse et éloigne la pratique ostéopathique de sa crédibilité scientifique. Il est essentiel pour les ostéopathes de comprendre et de communiquer clairement. Ce sont les interactions complexes entre la mémoire neurologique et le tissu musculaire qui sont au cœur de ce phénomène, et non une quelconque capacité de mémoire des tissus eux-mêmes. Cette compréhension enrichit notre pratique et renforce l’importance de l’approche holistique en ostéopathie, tout en s’ancrant fermement dans la réalité scientifique.
Bruno Mitaine, Ostéopathe DO